Un capteur océanographique embarqué pour faire quoi ?

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Le capteur océanographique embarqué à bord du maxi-trimaran Sails of Change est une sorte de gros caisson placé au fond du bateau. Il comporte plusieurs modules permettant de récolter des indicateurs indispensables à la compréhension du dérèglement climatique durant les navigations. Cette collecte de données est intéressante pour les scientifiques car peu de bateau se rendent dans des lieux aussi isolés que le Pacifique ou à proximité de l’Antarctique.

 L’eau de mer est pompée dans l’océan lors de la navigation et rentre passivement dans les tuyaux peu importe la vitesse du bateau.  Une partie de l’eau est dirigée dans capteur océanographique, et une partie dans l’échantillonneur de microplastiques (cf. article sur le sujet).

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Comment est-ce que cela fonctionne ?

L’eau quand elle arrive dans le capteur passe par une boite appelée « débulleur » afin d’éliminer les bulles qui seraient sources d’anomalies dans la prise de mesures.

Toutes les données collectées sont stockées à bord sous forme de datas en envoyées directement à des équipes scientifiques capables de les analyser et de les exploiter. Ensuite, elles sont mises à disposition de la communauté scientifique en « open-source » via une base de données internationale.

Quelles sont les variables collectées par ce capteur océanographique ?

Cet outil océanographique permet de mesurer quatre variables différentes :

  • La température à la surface de la mer
  • La salinité à la surface de la mer
  • La chlorophylle, un pigment vert présent dans toutes les végétaux marins et terrestres
  • La concentration en CO2 dissout dans l’eau

Qu’est-ce que ces variables peuvent nous apprendre sur la santé des océans ?

Du fait du réchauffement de la Terre, l’étude des variations de climat et des températures est devenue primordiale pour modéliser l’évolution de la planète.

  • Le dioxyde de carbone (CO2) est un gaz à effet de serre composé d’un atome de carbone et de deux atomes d’oxygène. Il fait partie du cycle du carbone. Il participe à notre respiration et au bon développement des plantes grâce à la photosynthèse. Mais en surabondance à cause de nos activités humaines, il est en partie responsable du réchauffement climatique actuel. L’absorption du CO2 par l’océan s’effectue par dissolution du gaz dans l’eau de mer. Plus cette eau est froide et mieux le CO2 se dissout. En absorbant une partie du CO2 présent dans l’atmosphère, l’océan mondial est capable d’absorber près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre produites en une année. Mais à mesure que le CO 2 se dissout dans les mers et océans, l’eau devient plus acide (son pH diminue) ce qui fragilise l'équilibre chimique fondamental des eaux océaniques et côtières et toute la biodiversité.
  • La salinité est définie comme la quantité de sels dissous dans un liquide. La salinité moyenne de l'océan est de 35 g/Litre. Des scientifiques soutenus par l’Union Européenne étudient l’évolution de la salinité des mers et océans pour mesurer l’incidence du changement climatique sur le cycle planétaire de l’eau. En effet, ils expliquent que les variations de la salinité sont un baromètre fiable de l’échange d’eau douce entre l’océan et l’atmosphère. « L’évaporation transporte l’eau douce de l’océan vers l’atmosphère et augmente la salinité de l’océan ; les précipitations, quant à elles, apportent de l’eau douce à l’océan et réduisent sa salinité. Par conséquent, l’effet des variations du niveau de la salinité se fait ressentir sur des zones étendues, ce qui fait d’elles un excellent indicateur de l’évolution du cycle de l’eau» (Source : https://cordis.europa.eu/article/id/422227-ocean-salinity-a-powerful-tool-for-understanding-changes-in-earth-s-water-cycle/fr)

Par ailleurs, salinité et température de l’eau constituent ce que l’on appelle des “traceurs” qui permettent de calculer la densité de l’eau de mer et ses mouvements. Les courants marins se forment grâce à la différence de densité de l’eau. Cette circulation que l’on appelle « thermohaline » joue un rôle très important sur le climat en répartissant la chaleur autour du globe.

  • La chlorophylle est un pigment qui est présent dans toutes les cellules végétales, dans les feuilles des arbres sur terre mais aussi dans le phytoplancton (végétaux microscopiques qui flottent et dérivent au gré des courant). Ce pigment nécessaire à la photosynthèse permet aux végétaux de transformer le dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’eau et l’air en oxygène grâce à l’énergie lumineuse. Dans le capteur océanographique, la chlorophylle présente dans l’eau est mise en évidence grâce à un « fluorimètre ». La chlorophylle à la surface de l’eau varie normalement entre 0.01 et 15 mg / m-3. Mais il existe de grandes zones océaniques où il y a peu de chlorophylle. On les appelle des déserts marins. En océanographie, la chlorophylle nous renseigne sur la quantité de phytoplancton présent dans l’océan et donc sur la production d’oxygène. Grâce aux mesures en surface mais aussi avec certains outils en profondeur et aux photos satellites on peut réaliser des cartes de la concentration en chlorophylle a la surface des océans.

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Photo satellite de la chlorophylle à la surface des océans de 4 octobre 2018.

Source : Nasa/science Photo Library 

  • La température de l’eau à la surface est une propriété physique essentielle de l’eau de mer et donc un indicateur important de la santé des océans. La température varie principalement en fonction de la latitude, les eaux les plus chaudes se trouvant généralement près de l'équateur et les eaux les plus froides dans les régions arctique et antarctique. Elle exerce une influence sur le cycle de vie de la faune et de la flore marine, en influant sur la nutrition, la croissance et la reproduction. Certaines espèces migrent pour trouver des températures qui favorisent leur développement. Des espèces marines comme les poissons peuvent migrer vers le nord où les températures sont moins élevées. De plus, on sait que la concentration en oxygène diminue avec l’augmentation de la température, ce qui peut entrainer un déclin de certaines espèces et le développement de microorganismes plus adaptés. Enfin, l’expansion de l'eau sous l'influence de l'élévation des températures de l’océan (dilatation thermique), mène à une 

    élévation du niveau de la mer. Jusqu’à 200 mètres de profondeur, la température de l’océan est environ la même que celle de l’air. La moyenne thermique des océans de la planète est d’environ 17,5 °C donc, la température de surface n’est qu’un indicateur qui doit être complété par des prises de température en profondeur là où les rayons du Soleil ne pénètrent pas.

Ces collectes de données réalisées par le capteur océanographique à bord de Sails of Change permettent donc de compléter les connaissances scientifiques sur l'océan pour mieux comprendre son fonctionnement et son rôle dans la régulation du climat.

Surveiller la santé de l’océan c’est aussi pouvoir modéliser de façon plus précise les évolutions climatiques futures et éclairer la prise de décision.