la circumnavigation de bougainville

En catimini...

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La tentative de Trophée Jules Verne de l'équipage de Spindrift 2 en 2016 a fait de Dona Bertarelli la femme la plus rapide autour du monde à la voile. Bien avant elle, d’autres femmes ont entrepris de tels défis. La première est Jeanne Barret dont on découvre l’audace, le courage et l’importance des travaux scientifiques dans les carnets d’expéditions de Bougainville.
Précieux témoignages, ces carnets relatent la vie à bord de la Boudeuse et de l’Étoile durant 3 années (1766-1769) à une époque où l'on interdit aux femmes de monter à bord des navires du Roi. Mais ces carnets forment aussi une « base de données » inestimable des travaux botaniques menés durant cette circumnavigation par le naturaliste Philibert Commerson et sa compagne.

En 1764, le naturaliste et explorateur français Philibert Commerson recruta Jeanne Barret comme gouvernante avant de lui donner des cours de botanique pour lesquels elle se passionna. Durant trois ans, Jeanne Barret épaula Commerson dans ses travaux jusqu'à se voir confier la préparation des herbiers. Elle devint sa secrétaire particulière, puis sa maîtresse.
Lorsque Commerson dut rejoindre l'expédition de Bougainville, la question d'embarquer Jeanne Barret se posa. Mais au XIIIème siècle, les femmes n’avaient pas le droit de monter à bord des navires. Par ordre du Roi « la présence de toute femme sur un bateau de Sa Majesté est interdite, sauf pour une courte visite ; un mois de suspension sera requis contre l’officier qui contreviendra à cet ordre et quinze jours de fer pour un membre de l’équipage qui, lui-même, n’y souscrira point. » 
Les cheveux coupés, la poitrine bandée et vêtue de vêtements amples, c’est donc sous le nom de Jean Baret et déguisée en homme que Jeanne embarqua en 1766 comme valet de Philibert Commerson.

portrait de jeanne barretPortrait de Jeanne Barret (1740-1807) par @ Cristoforo Dall'Acqua (1734-1787)

Durant l’expédition, Commerson fut blessé à la jambe. Jeanne Barret, en plus de la collecte des plantes, des pierres et des coquillages qu’elle effectuait, l’aida à organiser et à cataloguer ses spécimens et ses notes. Commerson vantait souvent la bravoure et la force de cette femme.
Les récits de l’expédition diffèrent quant à la découverte de la féminité de Baret. Selon Bougainville, les rumeurs circulaient depuis un certain temps, mais la supercherie n’a finalement été confirmée qu’à l’arrivée de l’expédition à Tahiti en avril 1768. Bougainville se montra clément avec Commerson sous réserve que Jeanne reste habillée en homme. Par prudence sans doute, il les consigna sur l’Etoile mais interdit leur cohabitation.

la boudeuse et l'étoile à tahitila boudeuse et l'étoile à tahiti

À Port-Louis, Baret continua son rôle d’assistante de Commerson. Elle l’accompagna pour botaniser les îles. Jeanne Barret est sans doute celle qui recueillit les plantes les plus spectaculaires lors de ce voyage. Mais les problèmes de santé de Commerson s’aggravèrent et il mourut le 13 mars 1773. Sans lui, elle n’avait plus d’existence légale et ne put revenir en France. Son obsession fut alors de rapatrier les collections à bord du bateau que Philibert Commerson avait léguées avant sa mort au Jardin du Roi.
Plus tard, un soldat périgourdin, Jean Dubernat, offrit à Jeanne de l’épouser. Mariée, elle put enfin retourner en France et rapporta les herbiers et la majeure partie de leurs récoltes, soit plus de 30 caisses scellées contenant 5000 espèces de plantes au Jardin du Roi. 3000 d'entre elles furent décrites comme nouvelles. Ces collections rejoignirent celles du Muséum national d'Histoire Naturelle à Paris (Jardin des Plantes) où l'on peut toujours les consulter.
À sa mort en 1807, Jeanne Barret fut enterrée au cimetière de l'église de Saint-Aulaye.

 philibert commersonphilibert commersonherbier commersonFeuilles de l'herbier Commerson © Elodie Lerat

Au cours de l’expédition, Commerson lui avait dédié un arbuste de la famille des Meliaceae, Baretia bonnafidia. En 2012, une nouvelle espèce de Solanaceae découverte en Amérique du Sud est nommée Solanum baretiae en son honneur (ci-contre). https://fr.wikipedia.org/wiki/Solanum_baretiae
Le 26 avril 2018, en l'honneur de Jeanne Barret, le nom de monts Baret fut donné officiellement à une chaîne de montagnes de Pluton.
Jeanne Barret fut la première femme au monde à faire le tour complet du globe terrestre. « Ces frêles machines-là renferment quelques fois des âmes bien fortes », écrira Diderot en 1772, au sujet de Jeanne Baret, dans son Supplément au voyage de Bougainville.

 Baretia bonnafidiaBaretia bonnafidiaSolanum baretiaeSolanum baretiae

Pour aller plus loin

Depuis toujours les voyages sont prétextes à des témoignages, des carnets de bord et des récits d’aventures qui permettent à leurs lecteurs de découvrir d’autres territoires, d’élargir leur vision du monde, de partager des savoirs, de rêver et de découvrir de nouvelles cultures. Ces témoignages d’une expérience vécue revêtent des formes très diverses, qui ont évolué avec le temps, avec les progrès scientifiques ou les courants artistiques. Retrouvez notre dossier thématique consacré à ces "récits de voyage" sur le site et accédez à l'ensemble des documents gratuitement téléchargeables dans nos ressources pédagogiques

Pistes de travail

Pour prolonger cette anecdote, vous pouvez vous appuyer sur les nombreuses ressources proposées par Eduscol ou le réseau Canopé sur le thème de l’égalité filles-garçons.

  • Cycle 2 (6-9 ans) : dans le cadre du programme d’Éducation Morale et Civique, les élèves peuvent travailler sur l’identité à partir des caractéristiques physiques des filles et des garçons.
  • Cycle 3 (10-12 ans) : travail possible sur le thème des femmes dans l’histoire avec un regard sur les frises historiques ou de travailler le sujet des héroïnes à travers des romans d’aventure. Les élèves peuvent être interrogés sur la féminisation des métiers.