Les requins

Les requins

De la littérature à Hollywood, comme dans les dessins animés pour enfants, les requins sont des créatures largement caricaturées et vilipendées. Toujours dans le rôle du méchant dans les populaires spectacles en bassins, leur nom a même été emprunté pour cataloguer les hommes les plus sournois et dangereux.

Il est donc temps de remettre les pendules à l’heure.

Les requins existent depuis la nuit des temps. Ils nageaient déjà dans les océans alors que les dinosaures n’existaient pas encore. Ils font partie des animaux ancestraux les plus intéressants de notre planète.

Certaines espèces de requins sont ovipares – ils pondent donc des œufs –, alors que d’autres sont vivipares et mettent au monde leurs petits. La plupart se nourrissent de poissons, tandis que d’autres filtrent du plancton. On peut les trouver dans des eaux peu profondes à quelques dizaines de centimètres de la surface de l’eau, tout comme dans les profondeurs des océans où il ne fait jamais jour. Parce que les requins sont souvent des super prédateurs, ils jouent un rôle essentiel dans l’abondance des autres espèces. Ils sont au sommet de la chaine alimentaire et régulent l’écosystème marin.

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Malgré leur importance dans le milieu marin, les requins sont menacés. Ils ont été chassés avec acharnement et de manière grandissante au cours des dernières décennies aussi bien pour être mangés, que pour la pêche sportive ou encore pour de l’argent ou seulement par vengeance.

Le marché du requin est principalement lié à la demande importante d’ailerons mais la consommation de foie et de viande augmente également. Cette commercialisation grandissante du requin contribue au déclin rapide des espèces. Selon les scientifiques, la pêche tuerait près de 100 millions de requins chaque année, ce qui menace certaines espèces d’extinction. Près de 50 % de la totalité des espèces de requins connues sont actuellement menacées ou quasi menacées d’extinction. Les requins soyeux et les requins marteaux ont été réduits à moins de 20 % de leur nombre initial. La population des requins longimanes a, elle, diminué de plus de 99 % dans certaines régions et un nombre important d’autres espèces de requins ne se portent pas beaucoup mieux.

Ce déclin rapide est dû à la forte demande de consommation de la soupe aux ailerons de requin, très prisée en Chine et le sud-est de l’Asie, considérée comme un met délicieux, symbole de richesse et de succès. Ces ailerons viennent de requins pêchés partout dans le monde.

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Chaque année, des dizaines de millions de requins sont aussi « accidentellement » capturés par des pêcheurs de thons ou d’espadons faisant des « prises ou captures accessoires ». Souvent, ces pêches ne sont pas si accidentelles que cela. Les chalutiers utilisent des engins de pêche non sélectifs qui ramassent des poissons non ciblés. Les requins sont souvent rejetés à l’eau, morts ou mourants.

La pêche à la palangre pélagique est largement répandue et considérée comme très destructrice. Ses lignes mono filaments peuvent s’étirer jusqu’à 40 miles (75km) derrière un chalutier. Des milliers d’hameçons préparés avec un appât, attirent un nombre impressionnant de poissons. Mais ces appâts piègent aussi les oiseaux de mer, les tortues et de nombreuses autres espèces marines qui meurent noyées.

Ces massacres de requins doivent cesser si nous voulons que ces supers prédateurs continuent de peupler nos océans. Ils sont absolument essentiels à l’équilibre de la vie marine. Comme leurs homologues sur la terre ferme – lions, tigres et loups – les requins se nourrissent des poissons fragiles et malades pour assurer l’équilibre et l’écosystème de l’océan.

D’un point de vue économique et touristique, les études montrent que les requins ont plus de valeur, vivants que morts. Les plongeurs et les amoureux de la mer cherchent souvent à visiter des lieux où l’écosystème marin est intact ; du moindre petit coquillage aux plus grandes espèces de baleines. La présence de requins et d’autres prédateurs est le meilleur moyen de vérifier si l’équilibre de la vie marine est respecté. La valeur d’un requin de récif sur toute la durée de sa vie peut être dix fois supérieure à celle d’un requin tué pour sa viande et ses ailerons.

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Les requins font peu de petits. Ils se reproduisent lentement et assez tard dans leur vie. Cela s’ajoute donc à la surpêche qui pourrait conduire à leur extinction totale, si nous ne prenons pas de mesures drastiques. Parmi elles, trois efforts paraissent indispensables : la réduction de la consommation de ces espèces, en particulier la soupe chinoise aux ailerons de requin ; la mise en place d’un système de haute protection obligatoire globale pour les requins ; le respect et l’application de ces mesures, tout aussi primordiaux.

Par chance, nous commençons à voir des progrès pour chacune de ces trois résolutions. En mars 2013, la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) a pris des mesures importantes pour réguler l’exploitation de cinq espèces de requins qui ont souffert d’un déclin abrupt ces dernières années.

Depuis, plusieurs organisations ont conduit de vastes campagnes de sensibilisation afin de réduire la consommation de requins. Celles-ci ont même touché l’Asie où la fameuse soupe d’ailerons est pourtant un marqueur de statut social depuis des générations. Même à Hong Kong, plaque tournante du commerce de requins, les chiffres ont diminué. Selon Bloom Associates et l’Université de Hong Kong, 70 % des Hongkongais interrogés en 2014, ont déclaré avoir réduit, ou même cessé, de manger du requin.

grand requin blanc

Par ailleurs, nombreux sont les pays à avoir créé des sanctuaires afin de protéger leurs requins. Les Palaos, la République des Îles Marshall et les États fédérés de Micronésie ont même récemment fusionné leurs zones protégées et formé le Sanctuaire Régional de Micronésie pour les requins qui couvre une surface supérieure à l’Union Européenne, une première mondiale.

Beaucoup d’autres pays, de l’Océan Atlantique à la mer des Caraïbes et du Pacifique à l’Océan Indien, ont également mis en place des sanctuaires de requins dont la taille globale atteint les 15,5 millions de km2, soit deux fois la superficie de l’Australie.

Pendant des milliers d’années, les hommes ont craint la présence des requins. Aujourd’hui, maintenant que nous comprenons mieux le rôle crucial qu’ils jouent pour les océans et notre planète, nous devrions craindre leur absence. Si nous ne réagissons pas, nous allons, non seulement participer au massacre d’animaux présents dans les océans depuis 450 millions d’années, mais aussi prendre part au déclin d’un environnement marin dont une grande majorité de la population mondiale dépend pour se nourrir et travailler; sans oublier bien sûr, tous les autres bénéfices récréatifs que nous offre la mer, que nous apprécions et dont nous profitons tous !